Le groupement de poèmes propose des aspects
différents de la relation du Temps à la Nature
: A) Que peu de temps suffit pour changer toute
chose B) Rien n'a changé C) Tout es là mais autrement En octobre 1837 HUGO retourne dans la vallée de la
Bièvre où il rejoignait Juliette Drouet. Sa
liaison avec Juliette se poursuit, mais le poète
pensait retrouver, grâce à ce pèlerinage
d'amour, le charme irremplaçable de la passion dans
sa première fleur. TRISTESSE D'OLYMPIO Il voulut tout revoir l'étang près de la
source, La masure où l'aumône avait vidé leur
bourse, Le vieux frêne plié, Les retraites d'amour au fond des bois perdues, L'arbre où dans les baisers leurs âmes
confondues Avaient tout oublié ! Il chercha le jardin, la maison isolée, La grille d'où l'il plonge en une oblique
allée, Les vergers en talus. Pâle, il marchait. &emdash;Au bruit de son pas
grave et sombre, Il voyait à chaque arbre, hélas ! se
dresser l'ombre Des jours qui ne sont plus ! (...) Alors il s'écria : (...) Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! Nature au front serein, comme vous oubliez ! Et comme vous brisez dans vos métamorphoses Les fils mystérieux où nos curs sont
liés ! N'existons nous dont plus ? Avons-nous eu notre
heure? Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus ? L'air joue avec la branche au moment où je pleure
; Ma maison me regarde et ne me connaît plus. D'autres vont maintenant passer où nous
passâmes. Nous y sommes venus, d'autres vont y venir ; Et le songe qu'avaient ébauché nos deux
âmes, Ils le continueront sans pouvoir le finir ! D'autres auront nos champs, nos sentiers, nos
retraites. Ton bois, ma bien-aimée, est à des
inconnus. D'autres femmes viendront, baigneuses,
indiscrètes, Troubler le flot sacré qu'ont touché tes
pieds nus. Quoi donc ! c'est vainement qu'ici nous nous
aimâmes ! Rien ne nous restera de ces coteaux fleuris Où nous fondions notre être en y
mêlant nos flammes ! . L'impassible nature a déjà tout repris. Oh ! dites-moi, ravins, frais ruisseaux, treilles
mûres, Rameaux chargés de nids, grottes, forêts,
buissons, Est-ce que vous ferez pour d'autres vos murmures ? Est-ce que vous direz à d'autres vos chansons
? 21 octobre 1837 Victor Hugo Les rayons et les ombres (1840) Après trois ans Ayant poussé la porte étroite qui
chancelle, Je me suis promené dans le petit jardin Qu'éclairait doucement le soleil du matin, Pailletant chaque fleur d'une humide
étincelle. Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble
tonnelle De vigne folle avec les chaises de rotin... Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle. Les roses comme avant palpitent ; comme avant Les grands lys orgueilleux se balancent au vent. Chaque alouette qui va et vient m'est connue. Même j'ai retrouvé debout la
Velléda, Dont le plâtre s'écaille au bout de
l'avenue, - Grêle, parmi l'odeur fade du
réséda. Paul Verlaine Poèmes Saturniens (1866) Poèmes groupés dans Alcools (1913) sous le
titre général de Rhénanes. Ils
remontent pour la plupart à la période de
1901-1902 lorsque Guillaume Apollinaire était
précepteur en Allemagne, et l'on peut supposer qu'il
retrouve dans cette poésie le souvenir d'une sortie
sur le Rhin avec la femme qu'il aimait, Miss Annie
Playden. MAI Le mai le joli mai en barque sur le Rhin Des dames regardaient du haut de la montagne Vous êtes si jolies mais la barque
s'éloigne Qui donc a fait pleurer les saules riverains Or des vergers fleuris se figeaient en arrière Les pétales tombés des cerisiers de mai Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée Les pétales flétris sont comme ses
paupières Sur le chemin du bord du fleuve lentement Un ours un singe un chien menés par des
tziganes Suivaient une roulotte traînée par un
âne Tandis que s'éloignait dans les vignes
rhénanes Sur un fifre lointain un air de régiment Le mai le joli mai a paré les ruines De lierre de vigne vierge et de rosiers Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure. Guillaume APOLLINAIRE « Alcools »(1913) Il y aura d'autres étés D'autres grillons feront leurs gammes dans d'autres blés On croisera sur la route d'autres dames Un autre merle inventera une chanson presque la même Un autre monsieur se trouvera là sous cet arbre où je t'aime Une petite fille qui n'est pas née encore fera une poupée en coquelicot à cet endroit précis où ton
corps endormi se mêle au bruit de l'eau On dira (mais ce seront d'autres) Il faudrait bien un bon coup de pluie Ça ferait du bien aux récoltes Les mots feront le même bruit Mais plus personne plus personne ne se servira de mon cur à moi ni de ta voix à toi qui résonne dans mon oreille et mon corps à moi
Le pont Mirabeau
Les autres étés
Claude Roy (Journaliste et reporter) POESIES
1970