Topaze.
Pagnol
Approche
Théâtre de tradition
Comédie, drame, tragédie
?
Le personnage de Topaze
Relation auteur/pièce
APPROCHE
Il s'agit d'une pièce de théâtre
intitulée Topaze écrite par Marcel Pagnol
dramaturge, romancier (1895 - 1974) et jouée à
Paris en 1928 puis adaptée au cinéma en 1950
par Pagnol avec Fernandel pour acteur. La pièce est
sous-titrée par Pagnol "Pièce en 4 actes ".
Elle est précédée d'un parafe "la
société, voyez-vous, Monsieur, si elle
continue, elle tuera les justes" . Pagnol ne précise
pas si c'est une comédie, une tragédie, un
drame. C'est une pièce traditionnelle et
populaire.
Il s'agit d'un texte narratif : l'histoire de la
métamorphose en homme d'affaires d'un professeur
d'institution privée. Le thème de la
pièce c'est essentiellement le rapport entre l'argent
et la morale. Cette uvre reprend un thème
traité au 18 ième par Le Sage dans Turcadet
(1709). Il est intéressant de la rapprocher
également de Knock de Jules Romain (1924) pour le
thème de la corruption. Un rapprochement avec
Rhinocéros de Ionesco (1963) est intéressant
pour le thème de l'assimilation. Elle est
dédicacée à "André Antoine, mon
maître, en signe de reconnaissance".
- Cette pièce est une comédie : Pagnol
à l'intention de faire rire mais elle a aussi une
fonction éducative : Pagnol aborde un problème
grave et philosophique : les rapports entre argent et morale
.
On y retrouve donc le grand principe des uvres
classiques : plaire et instruire.
- C'est aussi un drame (mélange entre comique et
sérieux) voire une tragédie : avec la mort de
l'innocence.
Ce qui fait donc son intérêt c'est d'abord
le mélange de tonalités.
C'est aussi son actualité : les médias
regorgent d'histoires d'exaction, de corruption : argent de
la drogue, affaires autour du football, affaire du sang
contaminé,Dr Garetta, fausses factures, Jacques
Médecin, Maradona, vente de terrains inondables,
entreprises fantômes, système des
pots-de-vin.
En 1994 la pièce est jouée à
Paris.
Topaze : du
théâtre traditionnel
Parler de théâtre traditionnel suppose
d'avoir défini ce qu'était le
théâtre
Le théâtre appartient aux arts du spectacle
comme le mime, le numéro de clowns, le ballet , les
sons et lumières, le happening, le psychodrame, mais
aussi comme la harangue, la scène de
démarchage, de séduction etc.
C'est la représentation, la mise en scène
d'un message plus ou moins vague pour le communiquer de
façon plus tangible, visuelle. Le
théâtre, c'est l'illustration d'un texte au
même titre que les images ou les dessins. Il implique
que l'on "en rajoute", qu' on joue la comédie, pour
faire croire que le faux (tout ou ce qui a été
rajouté) est vrai. C'est l'art du mensonge. Le
théâtre c'est la métamorphose d'un
"texte" en "rôle".
C'est la présence d'un public qui va entendre le
texte et voir son illustration à l'aide d'un langage
particulier (la scénographie) , langage du corps (
voix, gestes, costumes, maquillages), des éclairages
, des sons, du décor avec la conscience que bien
jouer c'est bien lui mentir. C'est l'art du protocole, de la
parade, du maquillage. L'acte de communication implique tout
le temps une théâtralisation : tout est
théâtre.
Ceci dit la qualité littéraire du texte le
rattache parfois au domaine littéraire :
Le dramaturge est un écrivain. C'est dans ce cadre
littéraire que l'on peut parler de tradition,
c'est-à-dire de conformité par rapport
à une norme : le genre littéraire
appelé Théâtre.
A) le théâtre traditionnel c'est :
1) un texte découpé en scènes et
actes. La scène est délimitée par
l'entrée ou la sortie d'un personnage. L'acte
correspond au chapitre.
2) un dialogue, donc des répliques (stichomythie,
tirade) fait avancer l'action.
3) des didascalies indiquant le jeu, le décor etc.
et dont la présence appelle une représentation
du texte. le dramaturge écrit pour être
joué.
4) des personnages ou personnes ayant une psychologie, un
caractère.
5) la possibilité pour le spectateur de
s'identifier à un personnage et d'éprouver des
émotions
6) une vraisemblance de situation
7) une intrigue, c'est-à-dire une tension, qui
évolue à travers des affrontements
créés par les rencontres des personnages.
8) un schéma narratif supposant une situation
initiale et une situation finale : on parle d'acte
d'exposition et de dénouement.
9) une situation de crise.
10) un message déductible de l'histoire
11) des conventions particulières comme
l'aparté, le monologue
12) un texte de qualité : les personnages parlent
une langue écrite, parfois parlent en vers.
Toutes ces caractéristiques se retrouvent dans
Topaze qui est donc une pièce de théâtre
traditionnelle.
B) l'anti-théâtre
Le XX ième siècle a connu des mouvements de
refus pour la tradition, a cherché de nouvelles
formes de théâtre souvent dans le but de
déranger le public, de le sortir de ses habitudes, de
le choquer dans ce que traditionnel et bourgeois ont en
commun.
Un théâtre provocateur apparaît:
- Jarry vers 1880) Ubu
- Apollinaire : Les Mamelles de Tirésias
- Arthaud : Théâtre de la cruauté
- Vian
De plus, le XXième siècle a eu la
conscience d'une nouvelle conception du réel due
à la psychanalyse. Les rêves sont plus vrais
que le réel, la réalité est totalement
subjective, chacun voit le monde à sa
façon.
De ce fait il y a eu une crise du langage : les mots
n'ont plus le pouvoir de communiquer. Parler ne sert
à rien, on peut seulement essayer de montrer.
Par ailleurs, l'absurdité de l'existence
annoncée par les philosophes pessimistes comme
Schopenhauer se renforce par la difficulté de vivre
dans un monde en guerre, de plus en plus inhumain et
athée.
Ainsi vers 1950 apparaît le théâtre de
dérision ou anti-théâtre :
C'est un théâtre d'opposition :
- refus de l'intrigue habituelle : chacun est libre
d'imaginer une fin à l'histoire . Ionesco propose
plusieurs fins à La Cantatrice Chauve.
- refus de raconter puisque rien ne peut être
communiqué : ou alors montrer justement qu'on ne
communique pas.
- refus du prévisible, de ce qui peut se passer
d'après les données de la situation initiale,
ou du titre de la pièce.
- refus de la psychologie : rien ne prouve que je suis ce
que je parais être. La psychologie comportementale n'a
plus cours.
- refus de la chronologie : le temps scientifique
n'existe pas, le temps est purement psychologique.
- refus d'un décor : chacun pouvant le construire
à partir de symboles et de sa réalité
subjective.
- refus de tout engagement, de toute leçon :
l'homme est dans l'absurde puisqu'il se demande "pourquoi"
.
- refus aussi du texte littéraire :
Ce qu'il faut montrer c'est le vide, c'est le rien . Les
didascalies sont souvent plus importantes que de texte. En
Attendant Godot pourrait durer des siècles selon
l'importance donnée à "un temps".
Conclusion
Un théâtre que l'on comprend mieux lorsqu'on
en perçoit les causes et les finalités.
Topaze : les
éléments qui apparentent la pièce
à une comédie
La pièce est sous-titrée "Pièce en
quatre actes" donc aucune classification dans les trois
catégories habituelles (comédie,
tragédie, drame) n'est fournie par Pagnol. Ce qui est
sûr c'est que, malgré la gravité du
sujet, le public rit.
A) On trouve dans la pièce tous les types de
comiques habituels aux comédies
1) le comique de situations, de gestes et de mots
Il y a dans la pièce un comique à
l'état brut comme celui que l'on trouve dans les
farces :
a) les personnages sont guignolesques par leur habits :
caricature du "pauvre type" pour Topaze, caricature du pion
pour Panicault
b) les patronymes sont caricaturaux : Topaze = la pierre
précieuse
Panicault = le chardon ( didascalie acte I sc 5)
Nom des élèves : élève
Tronche
c) énumération automatique par Muche des
prix acte I ,sc3 ou énumération des
bêtises des élèves : acte I , sc5
d) insultes des élèves : acte I , sc5 "'as
mangé l'haricot"
e) réponses des élèves : acte I,
sc12 (parodie d'un cours raté)
f) le mot grivois "nichon" Acte III, sc5
g)le geste d'auto-satisfaction de Topaze Acte I, sc 2 (il
se lisse la barbe)
h) la gifle d'Ernestine à Topaze Acte I, sc 9
i) la caricature du bureau et de l'aspect
extérieur de l'homme d'affaires
2) le comique de caractère
a) les personnages sont répartis en dominants -
dominés : il y a des pantins et des tireurs de
ficelle. Panicault est un pantin ; Topaze est
manipulé par Ernestine et par Muche; Muche est
manipulé par les familles aisées, etc.
b) Topaze est un naïf, crédule , "puceau": il
est bon et bête. Tamise l'initie à l'art de la
séduction (acte I, sc 7)
c) les personnages dominants sont odieux à cause
de leur cupidité et de leur sans-gêne
3) comique de situation
a) la dictée (à l'ouverture du rideau)
b) le système de la douche écossaise et des
coups de théâtre : en I,3 Topaze annonce
l'arrivée d'un élève et se fait
remettre à sa place, en I, 8 la mère de
l'élève ne veut plus inscrire
l'élève.
c) l'astuce de Topaze qui parle de lui à la
troisième personne ( acte I, sc 15): "j'ai un
ami."
4) comique de murs
La satire d'un système social est
évidente.
B) autres points communs avec les comédies
1) les personnages sont des bourgeois ou des gens du
peuple : ce ne sont pas des rois, des demi-dieux. Ils ont un
métier, travaillent pour vivre.
2) le décor est celui des lieux de travail ou des
lieux de vie.
3) l'époque des faits est contemporaine à
celle de Pagnol : début du XXième
siècle.
4) le dénouement en apparence est heureux
Conclusion :
Le rire est présent dans l'acte I ; à
partir de là, il s'agit davantage d'un rire de
distanciation devant les horreurs de personnages. Bref,
malgré les éléments comiques, il est
difficile de parler de comédie.
Topaze : les éléments qui
apparentent la pièce à un drame:
1) Le drame mélange le sérieux et le
comique : on retrouve ce mélange de tonalité
dans la pièce.
Topaze vit un drame : il se fait renvoyer, perd son
travail. La tonalité est souvent dramatique
2) le drame joue avec les émotions contraires du
spectateur : on retrouve ces ruptures à travers le
schéma des tensions
3) le drame fonctionne avec un décor
réaliste et pittoresque : ici le décor est
précis et concret ; de nombreuses didascalies
précisent les éléments du
décor.
4) l'époque précise : une date
apparaît dans le texte (scène 5 acte I ): 1876,
c'est l'époque lointaine à laquelle Panicault
a passé son Brevet. Elle est aussi fortement
connotée par certains éléments de la
pièce : porte-plume, essuie-plume, col de
celluloïd, téléphone à lettres :
donc début du XXième siècle. Une
didascalie précise "l'action se passe de nos jours
dans une grande ville"
5) les personnages sont nombreux : 16 personnages sans
compter les élèves
6) le drame est porteur d'une morale
Conclusion:
On pourrait donc attribuer le titre de "drame "à
cette pièce mais on peut aller plus loin dans la
gravité du sujet.
Topaze : les éléments qui
apparentent la pièce à une tragédie
Selon un un certain point de vue , on retrouve dans la
pièce bien des éléments d'une
tragédie.
En effet :
1) La tragédie c'est l'affrontement d'un homme
avec une force supérieure à lui (qu'elle soit
interne ou externe), une transcendance.
Ici Topaze est dominé : il est la pantin de la
pension Muche pendant tout l'acte I puis, par retournement,
il devient celui qui manipule les autres. On peut penser
aussi, qu'à partir de l'acte II, il est dominé
intérieurement par son envie de revanche.
2) Dans cet esprit, le naïf, le bon Topaze meurt
à la fin de l'acte I : c'est la mort de l'innocence
vaincue par les forces de la corruption, autrement dit, la
victoire du Mal sur le Bien, du Noir sur le Blanc. Il
devient "un ripou", le Mal. Il subit un avatar, une
métamorphose. La chrysalide de l'enfant est
abandonnée : la mue enterre la Pureté, la
candeur, l'innocence. Un monstre naît.
La métamorphose de Topaze a quelque chose de
symbolique : "l'enfant" Topaze meurt pour laisser place
à une forme plus adaptée, plus adulte, plus
monstrueuse.
3) Les sentiments que le spectateur de tragédie
éprouve - à savoir la terreur et la
pitié - se retrouvent également dans la
pièce : dans l'acte I Topaze est pitoyable,
après cet acte sa passion lucide de revanche suscite
la terreur : on craint ces hommes sans foi ni loi,
prêts à tout.
4) Les personnages manipulateurs s'entourent d'une
auréole pompeuse, avec l'intention de fasciner :
Muche joue au chef, abuse de ses pouvoirs avec un certain
sadisme. Il en est de même pour Topaze qui va jouer
sur le costume, les accessoires, le décor, le
protocole pour exercer son rôle de manipulateur.
Toutefois la pièce n'est pas une tragédie
si l'on se réfère aux tragédies
classiques qui supposent:
- des personnages hors du commun, illustres
- des alexandrins
- des événements situés dans une
époque antérieure au présent de
l'écriture
- la règle classique des trois unités.
Conclusion générale possible
Si l'on retient le mélange entre
éléments comiques et éléments
tragiques on peut conclure sur la notion de
tragi-comédie, un genre hybride dans lequel le rire
est souvent en rapport avec le monstrueux et procède
de la distanciation, du rire jaune. Quelle que soit la
situation on éprouve toujours une gêne : le
rire est toujours au détriment de quelqu'un.
On retiendra également la dimension satirique : la
pièce fait le procès de la corruption de
l'homme par l'argent et pose le problème de la
compatibilité entre l'argent et la morale.
L'argent est en rapport avec l'instinct de domination et
de pouvoir, donc avec le ça puisqu'il permet une
satisfaction des besoins ou donne l'illusion de les
satisfaire car le bonheur ne s'achète pas.
La morale est en relation avec le surmoi, la satisfaction
de l'autre : l'altruisme, la
générosité.
Il y aurait donc deux argents : l'argent pour vivre et
l'argent pour dominer.
Le personnage
de Topaze
La pièce porte le nom du personnage central, le
héros. Un nom énigmatique ; celui d'une pierre
précieuse ?
La pièce raconte et montre l'évolution de
ce personnage, évolution qui est plutôt une
révolution à cause de la radicalité de
la métamorphose. Il y a donc deux Topaze : l'un meurt
pour que l'autre naisse.
A) Le Topaze de l'acte 1
+ Identité sociale
Il a trente ans ( didascalie initiale)
Il est professeur à la pension Muche : on le voit
enseigner l'orthographe et la morale, la biologie ( avec le
putois). Son rôle est celui d'un instituteur.
+Identité physique
Il a une petite barbe noire
Il est vêtu d'habits d'homme riches mais
élimés, usés car il est humble.
Donc un portait sommaire réduit à un type,
comme il est courant dans le théâtre.
+Identité psychologique
C'est le point important :
Il est serviable (il débouche le flacon pour
Ernestine)
Il est consciencieux , scrupuleux et
généreux dans son travail (il aide les
élèves, il rectifie l'orthographe des
affiches, il apporte de chez lui un putois pour faire sa
leçon)
Il est respectueux envers les élèves: cf.
I,5 : il refuse la punition arbitraire et revendique, dans
un esprit d'équité, une enquête au
préalable pour trouver le coupable.
cf. I,6 il revendique un comportement loyal envers les
élèves et une tolérance pour leurs
bêtises
Il est respectueux de la hiérarchie (cf. I,3 : son
comportement avec le directeur ou l'impression d'être
"un ver de terre amoureux d'une étoile" quand il
considère Ernestine comme "un gros coup" (I,7)
Il n'est pas servile: il est honnête et dit
à la baronne les défauts de son fils(I,13), et
refuse par "probité" de supprimer le zéro. Il
fait l'apologie de l'honnêteté (I,12: cf. la
série de principes)
Il est modeste : en I,7 il est troublé par le
décor de la maison de l'élève riche
dans laquelle il se rend.
Il est inexpérimenté et mal à l'aise
avec les femmes.
Il a des principes moraux : il donne à la morale
une fonction "vitale" dans la société ( I,12)
"nous allons voir ensemble quelles sont les
nécessités vitales qui nous forcent à
obéir à la loi morale"
+ Bref, on peut résumer ce caractère par
les adjectifs : bon, loyal, innocent : c'est un "pur" : une
pierre précieuse.
B) L'évolution de Topaze
C'est à partir de ces traits de caractère
qu'il va devenir celui qu'on gruge, dupe, leurre : bon va
devenir synonyme de bête
Il va être exploité par Ernestine qui lui
fait du chantage affectif et abuse du pouvoir de
séduction qu'elle a sur lui et finit par le gifler.
Elle le considère comme un imbécile : cf. I ,6
: "et si je trouve un imbécile qui corrige mes
devoirs"
Il semble être l'oublié d'un système
et risque de ne jamais se voir attribuer la
décoration du mérite suprême : les
palmes académiques.
Il n'est pas payé en retour de sa gentillesse : au
contraire Muche le congédie (I,17) en lui reprochant
tout ce qu'il a fait.
Lorsqu'il est embauché en tant que collaborateur
de Castel-Bénac, il ne se doute pas qu'on cherche
à abuser de lui : (II,10) " c'est le type même
de l'abruti" : un pantin.
C) Le Topaze de l'acte IV
L'évolution commence à l'acte III pour
atteindre son apogée à l'acte IV.
L'évolution est consécutive à une
brutale révélation : cf. (III,2) "Je vivais
dans un rêve, une atmosphère de poésie
et d'extravagance. Mais le 13 avril, à sept heures du
soir, je suis retombé sur le sol et ce sol
c'était la fange"
+ il a une nouvelle identité physique
il a rasé sa barbe
il porte des lunettes d'écaille
il a de nouveaux costumes (IV,1)
+ il a une nouvelle identité psychologique
il est cynique, manipulateur, jouisseur et jubilateur :
il joue .
il met le monde à ses pieds , il a le pouvoir de
l'argent.
il est devenu une crapule sans foi ni loi.
il a compris : il a perdu toute innocence.
il est d'une lucidité étonnante "tu vois,
mon pauvre Tamise, je suis sorti du droit chemin et je suis
riche et respecté" (IV,4). Cette lucidité lui
donne un côté pervers, démoniaque et
effrayant car il n'a plus de limite.
Dès lors on lui fait la cour, on le sollicite,
Ernestine se prostitue, Muche veut lui vendre sa fille, il
obtient les palmes académiques, il propose à
Suzy d'être sa maîtresse.
Conclusion
La pièce propose donc une étude d'un
changement de caractère tout à fait logique et
vraisemblable. Il n'y a pas d'exagération, de
caricature.
La perte de l'innocence est un sentiment que beaucoup
connaissent après avoir eu l'impression d'en avoir
été la victime. Il y a donc de fortes
possibilités d'identification avec ce personnage.
Il est la représentation symbolique du passage de
l'enfance à l'âge adulte.
L'auteur
à travers sa pièce
Pagnol trouve son inspiration dans son quotidien.
L'uvre a une valeur documentaire et pittoresque
très populaire. Le cinéma, qui a repris la
plupart des textes avec des acteurs irremplaçables,
n'a fait que renforcer cet aspect.
A) Rapport direct entre la pièce et la vie de
l'auteur.
a) La pièce est écrite en 1928 lors d'un
séjour de Pagnol à Paris qui lui avait permis
de rencontrer des hommes d'affaires et des agents
immobiliers. Pagnol a 33 ans (né en 1895).
b) On peut aussi penser que Pagnol est marqué par
l'atmosphère générale: la situation
économique mondiale est en crise : chômage aux
USA, banditisme (Bonnie and Clyde) en France, La Bande
à Bonnot , crash financier de 1929.
Dans le midi, la révolution industrielle,
commencée avec l'invention de la vapeur en tant
qu'énergie, se poursuit et ruine plusieurs familles
bourgeoises. Cf.: Daudet : le Secret de Me Cornille
(1869)
Il y a des allusions directes à une petite
noblesse provinciale en décadence : cf. la baronne
Pitart-Vergniolles.
c) le milieu enseignant était connu de Pagnol. Lui
était professeur d'Anglais, son père,
instituteur.
d) la situation géographique : "la grande ville"
dont il est question dans la didascalie fait penser à
Marseille : les patronymes sont provençaux :
Panicault (le chardon), Régis, Duhamel et il est
question de chênes-lièges ( IV, 1) et de
relation d'affaires avec le Maroc.
B) Rapport entre la pièce et l'époque de la
jeunesse de Pagnol
Outre la référence directe à
l'âge canonique de Panicault à travers la date
de son brevet : 1876 , l'époque est celle :
- des petits chapeaux de feutre: cf. le chapeau de feutre
de Suzy (didascalie scène 8)
-des col droits en celluloïd ( didascalie
scène 1)
-des porte-plume et essuie-plume ( didascalie,
scène 12)
-des téléphones aux numéros
alphabétiques ( II, 5 = Wagram 86,02 ; IV,3 = Passy
43,52 )
- des coupes de cheveux à la garçonne
(III,10)
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